(Publié le 3 Mai 2015)
Voici une semaine que je suis installé à Madrid.
Je peux parler « d 'installation » car j'ai projeté d'y rester 4 mois.
C'est qu'y'en a un peu marre de voyager sans avoir les connaissances linguistiques qui permettraient d'avoir des discussions intéressantes avec les autochtones. Se limiter à « bonjour/bonsoir », « avez-vous une chambre ?», « à quelle heure part le train ?», ou « au revoir et merci », ça va un temps.
Alors durant ces 4 mois je serai inscrit dans une école d'espagnol, à Madrid. Et j'espère, d'ici fin septembre, avoir acquis des bases suffisantes pour être capable d'avoir une discussion digne de ce nom avec les hispanophones que je pourrai côtoyer au cours de mes futurs voyages.
4 mois, ça implique de trouver un logement et je n'ai ni les moyens ni l'envie de loger à l'hôtel si longtemps. C'est mon école qui m'a trouvé une « famille d'accueil », c'est comme ça qu'ils disent, mais en l'occurrence ma « famille d'accueil » se résume à un seul membre : Pedro.
Pedro vit donc seul, dans 45m². Vous me direz que c'est bien suffisant pour un célibataire. Certes. Mais Pédro n'a pas d'activité régulière, son métier consiste donc à recevoir des gens comme moi, étudiants en langue espagnole.Quand je dis que Pedro vit seul, ça n'est donc pas tout à fait vrai. Vous me direz que 2 personnes dans 45m² ça reste raisonnable. Re-certes. Mais Pedro optimise. Et ça n'est pas un étudiant que Pedro héberge mais 2. Et je le soupçonne d'avoir pris des cours dans une Ecole Supérieure de Commerce ou un truc dans le genre, car l'été Pedro reçoit 3 (trois) étudiants dans son appartement (45m² je me répète). Quand ça arrive, en plein été, lui même dort sur le balcon. Si si, car Pedro est un personnage. A sa façon.
Pour preuve... 10 minutes après les présentations, Pedro m'a montré ce qui serait mon double des clés de l'appartement. Il m'a entraîné sur le pallier extérieur, il a claqué la porte, il m'a dit regarde, il a mis la clé dans la serrure, il a tourné la clé, il a retiré la clé et il a dit avec un air professoral : là c'est fermé. Il a remis la clé dans la serrure, il a tourné la clé mais dans l'autre sens, il a retiré la clé, la porte s'est ouverte, il a eu un petit sourire - celui du vainqueur -, les mots étaient inutiles, toutefois il a ajouté : et là c'est ouvert.
Il m'a donné le double des clés, il a claqué de nouveau la porte, il m'a regardé et il m'a dit : essaye maintenant.
Je me suis dit que le séjour allait être très long.
Pedro vous accueille chez lui, et Pedro vous fait bien sentir que vous êtes chez lui. « Mi casa es mi casa » en quelque sorte.
Dans la chambre dans laquelle je loge il a eu la gentillesse de me laisser 3 petits casiers libres, histoire de ranger mes fringues. Le reste est occupé par ses trucs à lui. Pas question de personnaliser l'endroit, les murs sont encombrés de ... trucs (?!). Je vous laisse juges, voyez les photos.
Pedro - c'est dans le contrat - me prépare un petit déjeuner le matin et un dîner le soir.
Le matin c'est café-très-très-fort de la cafetière...italienne, accompagné de gâteaux secs ou bien de croissants sortis du sachet plastique de chez Lidl.
Le soir c'est salade, invariablement composée de:
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salade verte
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tomates
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olives de la boîte
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thon de la boîte
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crabe(?) de la boîte
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maïs devinez d'où
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chou rouge
Elle-même - la salade - est accompagnée ou de poisson pané ou de tranches de bacon grillé, au choix évidemment.
Thon + crabe + bacon grillé, je vous laisse imaginer l'association des saveurs (n'essayez pas ça chez vous).
Manger ça tous les soirs, ça gave, si j'ose dire.
Pedro n'a pas connaissance de l'existence du fromage ou de quelques douceurs pour finir les repas sur une note joyeuse.
Pedro a un bon fond, on ne peut pas lui enlever ça. Par exemple tous les dimanches il donne de son temps bénévolement. Dans une église il prépare à manger aux sans-abris et nécessiteux... Y'a des gens pour qui la vie ne sera jamais facile.
Pedro lave mon linge 2 à 3 fois par semaine ce qui est beaucoup et la première fois il me l'a plié. C'est très gentil mais j'ai trouvé ça un peu gênant.
Pedro n'est pas un causant. Quand on tente un début de discussion avec lui, il vous répond d'une part et d'abord comme si vous parliez espagnol couramment, d'autre part et ensuite en se plongeant dans les textos de son téléphone portable*.
Parfois toutefois il initie lui-même une discussion par un Qué tal ? (comment ça va ?), question qui, lorsqu'elle est unique mais répétée quotidiennement, limite rapidement le champs des possibles comme on dit dans les soirées.
Un truc sûr, c'est qu'il ne va rien m'arriver de grave chez lui. Car je vis ici dans la plus grande concentration madrilène d'images pieuses, de petits Jésus en croix, et de maman de petit Jésus triste. Au cas où ça ne suffirait pas, Pedro écoute tous les matins à 07h30 la version espagnole des petits chanteurs à la croix de bois. Mais aussi à 14h ou à 22h.
Voilà donc où je vis, pour ces premières semaines madrilènes. Enfin où je dors en tout cas, et où je mange le soir. Pas plus. Car je ne me lasse pas de franchir la porte de l'appartement de Pedro. Elle donne directement sur les quartiers centraux de Chueca et Malasaña, particulièrement animés. J'adore y trainer.
Je vous promets de vous en dire plus à ce sujet dans mon prochain article.
A bientôt.
* Quand Pedro reçoit un texto, y'a la sirène d'un paquebot qui retentit. Je vous jure que c'est vrai. Et Pedro reçoit une bonne dizaine de textos pendant le repas du soir. Je vous laisse imaginer l'ambiance...maritime.