On imagine pas venir au Cambodge et faire l'impasse sur son histoire récente. En tout cas moi je n'imaginais pas ça, peut-être parce que la France a été étroitement impliquée dans ce très triste épisode mais aussi tout simplement parce qu'il s'agit de l'Histoire du monde, qui nous concerne donc de toute façon.
On ne peut pas rater l'entrée de S21, cette ancienne école transformée en lieu de détention, de torture et d'extermination à grande échelle pendant le règne des khmers rouges. Situé en pleine ville, il est ceinturé des mêmes barbelés qui le clôturaient à l'époque. À l'intérieur, on déambule dans les 4 bâtiments où se trouvent les salles de détention et celles où se pratiquaient les tortures. Je ne vais pas entrer dans le détail, ce serait assez pénible. Les photos des détenus et des bourreaux (bientôt eux mêmes victimes pour un grand nombre) sont nombreuses, les plus émouvantes montrant des enfants très jeunes.
Par "chance", l'un des très rares survivants est artiste. Plus tard, il a donc témoigné à sa façon, en peinture. Les scènes de tortures qu'il décrit sur ses toiles sont tellement insoutenables que je ne les ai pas prises en photo. Certaines soulèvent le cœur. L'audioguide qu'on vous fournit à l'entrée est particulièrement intéressant et fourmille d'anecdotes touchantes ou terrifiantes (il y a notamment l'histoire de ce néo-zélandais qui, au moment "d'avouer" ces contacts imaginaires avec la CIA, donne une fois le nom de ses proches comme un ultime message qu'il leur envoie, et une autre fois celui de Sergent Pepper ou encore celui du fondateur...de KFC, autant donner celui de mickey Mouse). Près de 20.000 personnes auraient été emprisonnées et massacrées en ce lieu, seulement 7 (!!) ont survécu après que les khmers rouges aient fui devant l'avancée des vietnamiens venus libérer le pays.
C'est le plus pur des hasards qui m'a fait visiter les "champs d'exécutions" ("killing fields"), situés en dehors de la ville, le jour même où la condamnation à perpétuité de 2 très hauts responsables khmers rouges a été confirmée par un tribunal cambodgien, validé par l'ONU.
Au cours des 3 années qu'a duré ce régime génocide, 1/4 de la population du pays a été assassinée (imaginez un gouvernement français qui enverrait à la mort plus de 16 Millions de français).
Au plus fort de l'extermination, 300 personnes étaient exécutées chaque jour. Lorsque le pays a été libéré on a compté 129 charniers dans ce seul lieu, et dénombré 20.000 victimes (il y en a, évidemment et malheureusement, beaucoup d'autres dans le pays). À l'instar du très émouvant ossuaire de Douaumont, les ossements d'une partie des victimes a été regroupé dans un grand stupa. Dans les champs, les traces des charniers sont encore très visibles. Il paraît même que de temps à autre des os refont surface. Un arbre, sur le tronc duquel les nourrissons et les plus jeunes étaient massacrés, porte aujourd'hui des centaines de petits bracelets comme autant d'hommages.
J'ai voulu terminer ce cycle de visites consacré au génocide par une visite à l'ambassade de France où s'est déroulé un épisode tragique au début du règne des khmers rouges. Les diplomates français avaient été contraints de livrer à ces fous sanguinaires plusieurs centaines de cambodgiens qui avaient trouvé refuge à l'ambassade (le film "la déchirure" - "killing fields" - retrace bien cet épisode terrible). Mais sur place vous ne verrez rien d'autre que le grand mur blanc d'enceinte du bâtiment, à moins de venir à l'occasion des journées du patrimoine. |